Histoire et patrimoine
Le renouveau du Vivier
et des communes de la Baie
Voici ce qu'on pouvait lire dans un exposé en 1967 sur le Vivier-sur-Mer (M. Le Gall, A. Lecomte) :
"Le Vivier-sur-Mer, tant par l'aspect de ses maisons confortables, ses nouvelles constructions, ses magasins coquets que par l'activité de sa population, donne l'impression d'une commune qui a su parfaitement s'adapter à l'implantation d'une nouvelle industrie et s'apprête par son travail honnête et continu à exploiter au maximum la mytiliculture pour retenir ses habitants en leur procurant un travail largement aussi bien rémunéré que celui des villes."
L'augmentation de la population
Nous avons vu que la volonté de développer la mytiliculture au Vivier s'expliquait entre autres par la baisse démographique. Et bien le pari est gagné !
Le graphique est éloquent ! Depuis 1959 on constate une augmentation très sensible de la population puisqu'en 1957 elle atteint un plus bas avec moins de 600 habitants alors qu'en 1962 on compte déjà à 729 habitants , 770 en 1965 et 800 au début de 1967. En 1982, la population atteindra 914 habitants !
Cette augmentation démographique s'explique par la fixation définitive dans la commune des mytiliculteurs bretons, charentais et vendéens.
Ce ne sont pas seulement des patrons mais aussi des ouvriers mytilicoles qui s'installent avec leurs familles. Ainsi entre 1959 et 1967, 22 familles quittent les rivages de l'Atlantique et s'établissent au Vivier ce qui représente environ 200 personnes.
D'autre part, encouragés par le succès commercial des moules, beaucoup de jeunes Vivarais se lancent dans la mytiliculture et se fixent donc dans la commune. On observe le même phénomène dans les autres villages proches comme Cherrueix. Les habitants locaux vont profiter aussi des nouvelles concessions débloquées dans la Baie.
La création d'emplois
En 1967, la mytiliculture emploie 200 personnes de la commune, c'est à dire un quart de la population, plus une centaine d'habitants venant de toutes les communes de la Baie.
Ce personnel se répartit de la façon suivante :
-166 patrons mytiliculteurs (bretons, charentais, vendéens) ayant des concessions plus ou moins importantes.
- 85 ouvriers à temps plein.
- le reste, ce sont des travailleurs à la journée qui sont considérés comme des ouvriers agricoles.
L'aménagement du port
En 1954, le port est à son état le plus élémentaire puisque les Vivarais l'utilisent peu pour aller aux parcs à moules. Donc, lorsque les deux premiers bateaux charentais arrivent en 1958, il y a seulement un chenal et un quai.
Les travaux d'aménagement les plus urgents commencent avec l'arrivée des Charentais puisqu'avec eux, le travail et le trajet vers les bouchots s’effectuent en bateau, au départ du port. La municipalité du Vivier-sur-Mer apporte son concours en facilitant les premiers aménagements à terre dès 1959 :
- L'électrification : EDF se charge d'amener la ligne et de la financer ; les appareils d'électrification sont payés par la commune.
- L'eau courante.
- La commune construit aussi à travers les grèves une route qui permet d'atteindre en voiture ou en camion les réserves installées à 3 kms de la côte.
- L'aménagement de hangars est également nécessaire pour remiser l'outillage, stocker les moules et parfois procéder à leur conditionnement. Malgré quelques réticences de l'administration, le premier hangar imposant est construit par la SCEM de Roger en 1959. D'autres bâtiments créés par les vivarais sont de petits « chantiers » de 12 m environ, installés les uns à côté des autres avec un mur mitoyen. Ils sont situés au plus près du rivage en une ligne parallèle, à proximité immédiate des quais du port et du bâtiment de la SCEM.
En 1964, l'Etat (gestionnaire du domaine public maritime) concède une nouvelle partie de son territoire à l’installation des bâtiments nécessaires aux mytiliculteurs qui ont besoin de stocker leur matériel et leur production. Ce sont des hangars de 375 m² construits en amont des petits chantiers et en ligne droite parallèle au lit du biez. Les frais des plans d'aménagement sont supportés par la commune et les mytiliculteurs se chargent de faire construire des bâtiments qui restent leur propriété. Les hangars sont partagés en deux et parfois en quatre parties.
En 1978, une nouvelle extension a lieu au Vivier à l'ouest derrière la première ligne de hangars.
En 1981 des bâtiments sont construits à l'est du Guyoult sur le territoire de Cherrueix. En 1987, un bâtiment en bois respectant les nouvelles normes architecturales est également créé.
En 1998, grâce notamment à l'énergie du maire Gérard Salardaine, une nouvelle extension du port est réalisée sur le territoire de Cherrueix avec de nouveaux bâtiments bardés de bois. Une lagune d'eau de mer est également créée pour alimenter les machines à laver les moules dans les bâtiments. On rajoute également des bassins de stockage dans les hangars qui servent de réserve et d'épurateur pour les moules.
De nouveaux logements
Entre 1950 et 1954 il n'est délivré dans la commune aucun permis de construire. Par contre, entre 1960 et 1964, 33 permis sont attribués. Ceci est une preuve indéniable du renouveau du Vivier-sur-Mer : la mytiliculture étant maintenant une occupation sûre et rentable, la population n'hésite plus à s'y fixer. Certains mytiliculteurs construisent alors des maisons confortables.
D'autre part, la commune a obtenu la construction de H.L.M livrés en 1966 : 8 appartements de type F4 et 8 appartements de type F5. Ces habitations ont permis de loger 8 familles du Vivier et 8 familles des communes voisines. Et bien sûr parmi elles, 12 sont employées à la mytiliculture.
Un commerce florissant
Depuis l'implantation de la mytiliculture, les commerces de la commune sont plus dynamiques. Pour s'en rendre compte il suffit de constater l'augmentation de la taxe locale depuis 1962 :
-1962 : 28 631 francs
-1963 : 32 432 francs
-1964 : 41 418 francs
-1965 : 40 340 francs
-1966 : 43 212 francs
Elle augmente donc de plus d'un tiers en 5 ans. Ceci est dû d'une part à l'augmentation du nombre d'habitants et d'autre part à l'augmentation du niveau de vie.
De nouveaux élèves, une nouvelle école
Classe de Mme Talvat
Classe de M. Chevalier
M.Chevalier est non seulement instituteur mais aussi secrétaire de mairie et on peut affirmer que ses compétences ont été fortement appréciées par André Busson et Alexis Hodbert. D'ailleurs il est lui même élu maire de 1983 à 1991.
En 1960, lors de la rentrée scolaire, l'école du Vivier est reconstruite et modernisée. Dans les années suivantes, une classe préfabriquée est même rajoutée ! En effet, avec l'arrivée de nouvelles familles charentaises et vendéennes qui comptent de nombreux enfants d'âge scolaire, les effectifs augmentent régulièrement.
En 1961, on passe à 3 classes avec l'arrivée de Mme Baron qui rejoint Mme Talvat et M. Chevalier. Puis en 1967, l'école compte 115 enfants et on ouvre alors une 4e classe ! Mme Delaunay prend en charge cette classe en 1970. Enfin, une 5e classe est créée avec l'arrivée de Mme Punel en 1974.
Une rencontre entre deux populations
Il s'agit ici de la classe de Mme Baron en 1966. Sur les 38 enfants présents sur cette photo, au moins 16 sont d'origine charentaise ou vendéenne : Pascal Salardaine, Frédéric Salardaine, Frédéric Hurtaud, Didier Faivre, Laurence Bonhomme, Florence Salardaine, Claudie Pairaud, Clarisse Barataud, Patrick Chevalier, Luc Neau, Françoise Morisseau, Guy Largeaut, Béatrice Biron, Jocelyne Chevalier, Alain Tonneau, Hugues Salardaine.
Les autres sont originaires de la Baie : Jean-Louis Busson, Jean-Pierre Monnier, Frédéric Chistrel, Rodolphe Kiremser, Maurice Renauld, René Monnier, Dédé Renault, Pascal Denis, Jacqueline Renault, Serge Leseaux, Mariette Talvat, Patricia Iris...
En observant cette photo on se rend bien compte que le développement de la mytiliculture au Vivier n'a pas seulement pour conséquence un changement radical de l'économie et du paysage de la commune. Cette photo symbolise aussi magistralement la rencontre entre deux populations différentes par leur origine géographique.
En effet, quand les Charentais arrivent au Vivier, ils amènent bien sûr leurs enfants mais beaucoup d'autres vont naitre au Vivier comme Pascal Salardaine en 1962 (le fils d'Yves et Nicole) ou Clarisse Barataud en 1963 (la fille de Jean et de Paule).
De plus, des mariages unissent des Charentais de la première génération avec des Bretonnes dès le début des années 60, c'est à dire très rapidement après l'arrivée des pionniers ! Par exemple trois enfants de Roger Salardaine se marient avec des femmes de la région : Yves , le fils cadet, se marie avec Nicole Houel le 25 mars 1961 ; Jean-Pierre, le quatrième garçon, se marie avec Agnès Billot en septembre 1963 et enfin Gérard , le dernier fils, se marie avec une Vivaraise Marie-Paule Punel le 21 avril 1965. L’intégration des professionnels de l’Atlantique à la population locale est donc rapide.
Bien sûr, les mariages entre Bretons et Charentais sont encore plus nombreux dans les années 70 et 80 car la plupart des enfants de charentais figurant sur cette photo vont se marier avec des habitants locaux. Il y a évidemment aussi quelques mariages entre des familles mytilicoles charentaises et vivaraises. Pour symboliser cette mixité, nous pouvons citer l'union entre Jean-Michel Hodbert (fils de Michel) et Florence Salardaine ( fille de Roger et petite-fille de Paul) le 5 mars 1983 ou celle entre Yvon Morel (fils d 'Albert et Blanche) et Françoise Lebeau (fille de Paul).
L'intégration passe aussi par l'installation définitive au Vivier. En effet, très vite les familles des pionniers cherchent des locations car la séparation ça va un temps... Ainsi, très rapidement, chacun s'installe dans des locations puis dans des maisons neuves.
Georges Tonneau, après son mariage en mars avec Danièle Salardaine, est le premier Charentais à s'installer au Vivier dès le 1er avril 1958. La famille de Roger arrive pendant l'été 1958, la famille Barataud et la famille Bonhomme en mai 1959. Les autres suivent rapidement. On peut citer la famille Hurtaud en 1959, la famille Naulet en juin 1960, la famille Morisseau en août 1961, la famille Chevalier en juillet 1964. On peut citer aussi Jacques Garreaud, "Coco" Pairaud, Robert Faivre, Moïse et Henri Brizard avec leurs familles au début des années 60...
Georges Tonneau estime qu'ils sont plutôt bien accueillis et acceptés. Georges est d'ailleurs élu conseiller municipal de 1983 à 2001. Gérard Salardaine aussi est élu dès 1971 avant d'être maire de 1991 à 2014. Plusieurs autres Vivarais d'origine charentaise et de différentes générations vont être élus au conseil municipal, ce qui montre leur attachement et leur intégration à la commune. Parmi eux, on peut citer Lucien Neau de 1965 à1978 ; Paul Lebeau de 1971 à 1995 ; Raymond Salardaine (le fils de Paul) de 1971 à 1989 ; Annette Chevalier (la femme d´Yves Chevalier) de 1983 à 1989 ; Alain Chevalier (le fils d'Yves) et Rémi Hurtaud (le fils de Serge) de 1989 à 1999 ; Thierry Naulet (le fils d'Emile) de 1995 à1999 ; Freddy Salardaine (le fils de Claude) de 1995 à 2001. Enfin Tatiana Salardaine (la fille de François et petite-fille de Claude) et Clarisse Barataud (la fille de Jean) ont été élues aux dernières élections en 2014.
Le club de football du Vivier, créé par Claude Salardaine en 1971, rassemble aussi sous les couleurs bleu et blanche tous les Vivarais qu'ils soient bretons ou d'origine charentaise, qu'ils soient mytiliculteurs ou pas. Mais c'est vrai que lors des marées de vives-eaux , un dimanche sur deux, il manque de nombreux joueurs ! Le stade, construit en 1976, va permettre à de nombreuses générations de Vivarais de jouer fièrement pour leur commune. D'ailleurs, qui ne se rappelle pas du fameux tournoi de foot à la Pentecôte et de son ambiance festive...
Equipe séniors 1976
De gauche à droite en partant du haut :
Claude Bersegol, Alain Punel, Lulu Punel, Jean Daniélou, Jean-Pierre Salardaine, Patrice Chevalier, Gérard Salardaine, Bernard Delaunay, Jackie Salardaine, Claude Salardaine, Dany Busson
Equipe poussins 1982
De gauche à droite en partant du haut :
Jean-François Delaunay, Richard Baron, Yann Besnard, Dimitri Barateau, Vincent Bourdon, Bruno Urphéant, Antony Peltier, Mickaël Lecointre, Sylvain Royer
Sur ces neuf joueurs , six ont un
père mytiliculteur !
Epilogue
Cette Histoire de la mytiliculture au Vivier est une aventure économique, celle de la production de moules sur bouchots. C’est aussi une épopée humaine, celle d'une migration d'habitants venus des rivages de l'Atlantique et celle d’une rencontre entre deux populations.