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                 Roger Salardaine, le visionnaire

Roger Salardaine, un mytiliculteur de Charron, va avoir un rôle très important dans le développement de la mytiliculture au Vivier.

Un Charentais impliqué dans sa commune de Charron

 

Roger Salardaine est un habitant de Charron, une commune d'un peu plus de 1000 habitants en Charente. On ne compte plus ses nombreuses occupations  et ses engagements ...

Il est premier adjoint de la commune de Charron et responsable du syndicat professionnel mytilicole. Il est aussi très engagé au niveau de la vie associative : il dirige l'orchestre, préside les œuvres laïques de la Charente-Maritime, est membre de la société mutualiste et s'occupe de la gestion des carburants au port du Corps de Garde. Il vient également d'être nommé conseiller technique national au Comité Interprofessionnel de la Conchyliculture. A ce titre, il participe aux travaux de l'ISTPM . Il deviendra aussi en 1959 conseiller technique national. Bref, la vie publique, cela veut dire quelque chose pour lui !

C'est aussi le père d'une famille nombreuse avec trois filles (Gaëtane, Eliane et Paule) puis cinq garçons (Claude, Yves, Jackie, Jean-Pierre, Gérard).

Un mytiliculteur inquiet pour l'avenir de son métier en baie de l'Aiguillon

 

Mais sa principale occupation reste son travail de mytiliculteur dans les bouchots de Charron. Dans les années 50, en baie de l'Aiguillon, on dénombre environ 500 kms de bouchots. Ceux-ci sont plantés dans tous les sens et souvent sans concession. Depuis 15 ans, les mytiliculteurs ont multiplié par trois  le nombre de pieux dans l'espoir de multiplier les volumes de récolte  et donc les profits qu'ils pouvaient en dégager. La densité des pieux atteint un niveau tel qu'ils forment une espèce de rempart à multiples rangées freinant la circulation des mouvements marins. Ainsi l'envasement gagne la baie et les risques de maladie se profilent.

Roger combat avec véhémence cette manière anarchique de procéder. Il prouve que l'amélioration quantitative et qualitative des récoltes n'est pas proportionnelle à l'accroissement des pieux : la mer détient un volume nutritionnel non extensible. Un excès de "bouches" à nourrir ne peut que ralentir la croissance des moules. Mais peine perdue, il n'est pas vraiment écouté et l'administration des affaires maritimes est débordée.

Les pronostics se révèleront exacts, puisqu'à la fin des années 50, une magistrale épizootie du Mytilicola intestinalis viendra se répandre sur les parcs. C'est un parasite situé dans le tube digestif des moules. En cas d'épidémie, elle peut provoquer des dégâts considérables et entrainer une baisse de production importante.

Hélas, on en reparlera aussi au Vivier mais nous n'en sommes pas là...

 

 

Roger dans la Baie de l'Aiguillon en 1947
Roger et son frère Paul en 1944

Les premiers essais au Vivier en 1956

 

En tant que conseiller technique national, Roger Salardaine sait que l'Etat veut voir se développer la conchyliculture sur d'autres littoraux que ceux de l'Atlantique ou de la Méditerranée. Roger sait aussi que ses concessions charronaises ne suffiront pas à nourrir sa grande famille.

C'est donc en tant que conseiller technique et aussi en touriste, qu'en décembre 1955, Roger et sa femme Juliette (qu'on appelle Julienne), sa fille Paule et son gendre Jean Barataud  se rendent à Isigny-sur-Mer dans le Calvados au volant d'une 4cv. En effet, le maire normand désire recevoir des informations et des conseils sur la possibilité d'implanter des bouchots sur sa commune. Sur le chemin du retour, avant de faire escale à Saint-Malo puis à Brest, ils s'arrêtent au Vivier  afin de  consulter la carte routière au café des pêcheurs, place de l'Eglise. La voiture passe devant la Baie du Mont-Saint-Michel, une baie immense quasiment vierge. Roger se souvient alors de sa rencontre à Paris avec le maire André Busson qui lui avait demandé conseil  pour mettre en place les procédés d'exploitation sur son littoral. La voiture repart sur Saint-Malo et Roger réfléchit...

Comme la voiture, l'idée a fait son chemin... Roger prend alors de nouveau contact avec André Busson. Après un accord mutuel, André accepte de mettre à la disposition de Roger trois pieux. Le but est de les ensemencer avec des petites moules de Charron.

Gérard, le 8e et dernier enfant de Roger se souvient. "Je suis venu l'été  avec mon père dans la 4cv de Jean Barateau, c'était le 9 août 1956, lors d'une étape du Tour de l'Ouest. Toutes les routes avaient été bloquées pour permettre le passage des coureurs. On avait dû passer par une petite route du Mont-Dol pour arriver au Vivier".

Trois pieux sont donc ensemencés avec des boudins, c'est à dire de longs filets dans lesquels on a introduit des petites moules de Charron de 8 à 10 mm. On les suspend en haut des pieux et on les tourne autour du bouchot.

Maintenant il faut attendre de voir comment vont évoluer ces moules...

André Busson
Roger Salardaine

Un résultat incroyable six mois plus tard

 

Le résultat est au delà des espérances. En effet dès février 1957, les moules  garnissent abondamment les pieux et atteignent déjà 35 mm. En mai, elles sont à 40 mm puis le 1er août elles dépassent 50mm et sont d'une qualité parfaite ! Roger remarque aussi qu'au cours des différentes pousses de l'année, de nombreux paquets de moules, auraient pu être récupérés et commercialisés !

Voilà ce qu'il affirme dans un rapport au directeur de l'ISTPM le 23 août 1957 : "Ainsi de ces constatations, je peux affirmer que l'emploi d'un jeune naissain de qualité, cultivé rationnellement, multiplie au maximum son poids par dix dans une année. Il y a près de 40 ans que j'exerce la profession de boucholeur... je n'ai jamais constaté un résultat comparable... En conséquence, je considère que si toutes les facilités étaient mises à la portée  de professionnels consciencieux et respectueux des stricts règlements nécessaires en cette affaire, la Baie du Mont-Saint-Michel par l'importance des superficies exploitables  pourrait devenir le premier centre de production français".

On sent dans ses propos l'espoir immense et le potentiel gigantesque que suscite le  résultat de ses essais.

L'Etat donne donc son autorisation définitive en 1957

 

Il avait été admis par l'Etat que les essais de mytiliculture au Vivier seraient autorisés pour trois ans. Nous sommes en 1957 et il faut maintenant prendre une décision définitive. Certes les résultats des expériences entreprises par les mytiliculteurs locaux sont inférieurs aux attentes, mais le bilan est cependant correct par rapport à  la médiocrité des naissains et au caractère rudimentaire des techniques.  Comme le dit Roger : "si ces deux aspects sont améliorés, l'avenir est assuré !"

Donc face à l'absence d'impact négatif sur l'élevage des huîtres depuis deux ans et au vu des essais très satisfaisants  de Roger, l'Etat autorise le 2 octobre 1957 pour une période de 25 ans  l'exploitation des bouchots déjà créés et envisage  l'extension de la mytiliculture dans la Baie !

Délégation officielle en visite dans les bouchots avec André Busson, Yves Estève (3e et 4e à gauche) et Alexis Hodbert (1er à droite).

Alors la décision est prise, il faut partir

 

En constatant les résultats très prometteurs de ces essais et en pressentant la décision favorable de l'Etat, la décision est prise par Roger dès le début de l'année 1957 : il faut partir, l'avenir économique de la famille se situe au Vivier !

Il faut de l'audace et du courage pour oser quitter sa région définitivement car ce n'est pas gagné d'avance. Mais ils le font !

Donc dès 1957, Roger Salardaine et plusieurs membres de sa famille entament les démarches administratives et acquièrent quelques concessions abandonnées par les habitants de la Baie au large de  La Larronnière. Il y a Jean Barataud le gendre de Roger ; Claude, Yves et Jackie Salardaine, les garçons de Roger les plus âgés ; Marcel Bonhomme le neveu de "Julienne" ; Roger et Raymond Salardaine, les neveux de Roger.

Mais avec l'autorisation qui vient d'être donnée par l'Etat le 2 octobre pour développer la mytiliculture au Vivier, il faut préparer l'avenir et passer à la vitesse supérieure. Ainsi le 10 octobre 1957, le même groupe familial  décide de créer une société pour pouvoir acquérir de nouvelles concessions dans la Baie. Elle se nomme la société civile d'exploitation mytilicole (SCEM). Paul Salardaine, le frère de Roger et Georges Tonneau se joignent au groupe des actionnaires. Georges fait partie de la famille puisqu'il vient de se marier avec Danièle Salardaine, la fille de Paul. C'est donc tout un groupe familial qui participe à cette épopée !

En 1958, l'Etat confirme ses engagements et décide d'accorder 66 kms de  concessions supplémentaires en face de Cherrueix ce qui correspond à 660 lignes de 100m.

La SCEM acquiert 48 kms et le reste est distribué à des producteurs locaux (notamment Victor Quema de Cancale et  les frères De Larturière).

Le chiffre de 48 kms peut paraitre impressionnant, surtout pour les Vivarais, mais les pionniers charentais sont confiants et puis ce ne sont pas des novices. Il s'agit au contraire de mytiliculteurs expérimentés qui arrivent en Bretagne avec  leur technique, leurs outils et leurs moules.

 

Maintenant au travail !

 

 

 

 

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