Histoire et patrimoine
La décision favorable de l'Etat en 1954
Le 2 novembre 1954, la nouvelle tant attendue arrive : l'Etat donne son autorisation à la mise en place de parcs à moules en Baie du Mont-Saint-Michel !
Pourtant ce n'était pas gagné d'avance...
Ce n'était pas gagné d'avance car au moment où l'enquête publique sur le projet commence en 1954, plusieurs détracteurs du projet donnent de la voix. Il s'agit des ostréiculteurs cancalais qui décident de formuler une opposition pour plusieurs raisons.
D'abord, ils craignent de voir les naissains de moules venir se fixer sur leurs parcs à huîtres. Ils redoutent également qu'une deuxième production conchylicole vienne saturer la capacité trophique (alimentaire) de la Baie et mette ainsi en péril la croissance de leurs huîtres. Ils pensent aussi que le filtrage de l'eau par les moules ne se fasse au détriment des huîtres. En effet, puisque les courants entrent dans la baie du côté du Mont-Saint-Michel, l'eau de mer sera, selon eux, d'abord filtrée par les moules ; les huîtres n'auraient alors qu'une eau pauvre en plancton. De plus, ils disent que les bouchots gêneront la navigation dans la Baie. Enfin, ils mettent en doute la salubrité du Guyoult, le petit fleuve qui se jette dans la Baie au Vivier.
Ainsi , les oppositions se multiplient en 1954 pendant que l'ISTPM réalise son étude.
Mais le maire André Busson n'en démord pas et réfute les critiques. Dans un rapport du 30 juin 1954, il y répond , en écrivant : "Il nous est agréable de constater le manque de réclamations et d’opposition de la part des marins pêcheurs cancalais. Seuls les ostréiculteurs cancalais ont formulé des réclamations. Celles-ci trahissent une mauvaise foi évidente. Elles s'appuient sur des arguments erronés et inventés pour les besoins de la cause à défendre. Elles sont contraires au bon sens et à des états de fait constatés".
L'Etat donne son feu vert
Les oppositions s'avèrent infondées ! La plaidoirie du maire est payante ! Le 2 novembre 1954, la nouvelle tant attendue arrive : après une étude favorable des différents services administratifs et scientifiques, l'Etat donne son autorisation à la mise en place de parcs à moules en Baie du Mont-Saint-Michel !
Il s'agit pour l'instant d'un essai d'une durée de trois ans. L'Etat décide d'accorder 41 concessions de 300 m à ceux qui en feront la demande et en particulier les inscrits maritimes.
En conséquence, 23 concessions sont accordées face au Vivier ce qui correspond à 69 lignes de 100 m et 18 concessions sont accordées face à La Laronnière, un hameau dépendant de la commune de Cherrueix, ce qui correspond à 54 lignes de 100 m. C'est ce qu'on appelle dans le jargon "l'ancien plan". Ainsi des dizaines d'habitants du Vivier et des communes de la Baie vont pouvoir exploiter 12,3 kms de parcs à moules.
Voilà, c'est fait ! L'enthousiasme d'André Busson et de son adjoint Alexis Hodbert ont permis de convaincre les instances politiques du bien fondé de leur requête. L'autorisation d'exploiter les concessions a été signée par le ministre Chaban-Delmas avec un appui très important du sénateur maire de Dol, Yves Estève mais aussi celui de Gaston Monnerville, futur président du sénat quelques années plus tard.
Yves Estève va continuer à suivre de près la mise en place des parcs à moules à partir de 1955. Il n'hésitera pas à accompagner en Baie les délégations officielles et à promouvoir la pérennité des concessions auprès des instances dirigeantes les plus hautes. En effet, n'oublions pas qu'il s'agit d'un essai sur trois années. Une décision définitive devra donc être prise en 1957.
Il faut maintenant convaincre les habitants de la Baie
Maintenant que l'Etat a donné son accord, il faut convaincre les habitants de la Baie de Saint Benoît à Cherrueix et notamment les vivarais. Certains n'y croient pas du tout. En effet, ce n'est pas évident de se lancer dans une activité mytilicole qu'on ne connait pas !
André encourage pourtant les habitants à prendre des concessions : "Il faut rester, les moules vont sauver le pays !"
Les bouchots sont réservés en priorité aux inscrits maritimes mais les candidatures ne se bousculent pas. On élargit donc le cercle à tous ceux qui veulent se lancer dans l'aventure. Dès lors, la liste des candidats augmente pour les 41 concessions disponibles et ceux qui sont retenus en 1954 deviennent alors mytiliculteurs dans la Baie pour une période d'essai de trois ans.
Du côté de Cherrueix, on peut citer René Pincé, Lucien Carré, Alfred Chistrel (père et fils), Jean-Baptiste Renault, Eugène et Marie Lesaux, Aristide Fontaine, Marcel Busson, Joseph, Alfred et Louis Belabre, Albert Morel, Auguste Leguen, Roger Plainfossé, Charles Beaulieu (père), Georges Peigné, Augustin Gouron...
Du coté du Vivier, on peut citer André Busson et Alexis Hodbert, Edouard Urphéant, Henri Moinet, Henri Guillaume, Eugène et Alexandre Meury, André Letertre, Raymond Garnier, Marcel Chouinard, Eugènes Georges, François Amice, Eugène James, Gilbert Gautier, Colombe Daumer, Pierre Rouget, Ernest Flaux, Paul Lemarié, Jean Tézé, Louis Chauvel, Pierre Jourdan, Pierre Lebreton, Jean Baptiste Douet, Jean-Baptiste Hodbert...
D'autres noms vont s'ajouter très vite à cette liste ou viendront un peu plus tard : Julien Turmel, Alexandre Bunoult, Adolphe Besnard, Elie Papail, Marcel Bertrand, Henri Guinet, Henri Dupuy, Eugène Guichard...
On compte aussi des femmes comme Léontine Onnée (la femme d'André Busson), Paulette Pincé, Louisette Papail ou Ernestine Turmel.
Parmi tous ces noms, certains vont abandonner plus ou moins vite entre 1954 et 1957, d'autres vont continuer et agrandir leurs concessions.