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La Baie se couvre de bouchots

Depuis l’installation des premiers pieux par les habitants de la Baie en 1955, puis le coup d’accélérateur donné par les premiers charentais en 1958, l'espace  consacré à la mytiliculture ne cesse de se développer et d’évoluer entre 1959 et 1985. La Baie se couvre de bouchots !

De nouvelles concessions

 

Les Vivarais et les autres  habitants  de la Baie ont été les précurseurs et les pionniers en plantant avec courage et avec des moyens limités les  premiers bouchots. Puis, les premiers charentais ont redynamisé et développé la production de moules grâce à leur savoir-faire, leurs outils et leurs moules. Maintenant, les habitants locaux de Cherrueix à Saint Benoît veulent profiter de cette renaissance et participer eux aussi à cette épopée en obtenant des bouchots. Il y a bien sûr ceux qui ont commencé en 1954 et qui n'ont pas abandonné leurs concessions  mais aussi beaucoup d'autres et notamment des jeunes de Cherrueix et du Vivier qui voient là un nouvel avenir s'offrir à eux. Certains ont été embauchés par les pionniers charentais et ont appris le métier. Mais pourquoi ne pas se mettre à son compte ! Et puis il y a également d'autres Charentais et Vendéens, qui désirent suivre les pas des pionniers.

Ainsi jusqu'en1968, de nouvelles concessions vont être accordées par l'Etat. Voici la chronologie :

 

- En 1954, l'Etat concède 12,3 kms de bouchots à des habitants de la Baie dans un espace limité de chaque côté du Guyoult. C'est "l'ancien plan".

En 1958, 66 kms sont concédés en face de La Larronnière/Cherrueix dont 48 kms à la SCEM et le reste à des locaux notamment Victor Quema de Cancale et aussi les frères De Larturière  (1).

En 1959, tout l'espace de Cherrueix est occupé avec l'arrivée des Charentais Hurtaud, Morisseau et Lebeau. On peut citer aussi quelques producteurs locaux (Letannoux, Lambert, Lemarié, Beaulieu-Gesnouin...) (2). On rajoute également 3 lignes au large sur l'ancien plan à l'ouest du Guyoult (3).

En 1960, on accorde également 3 lignes supplémentaires sur l'ancien plan, cette fois-ci à l'est du Guyoult (4).

En 1962/63, près de 40 kms  sont installés à l’ouest du Vivier-sur-Mer et s’étendent jusqu’à Saint-Benoît-des-Ondes ; ces concessions sont attribuées à 65 exploitants parmi lesquels 27 Charentais et Vendéens comme la famille Chevalier (5).

En 1966,  neuf jeunes ouvriers mytilicoles, rassemblés dans le « groupement des jeunes Marins Mytiliculteurs de la Baie du Mont-Saint-Michel » (une société civile créée en 1964), obtiennent à force de volonté et d'abnégation  13 kms de chaque côté du Guyoult. Ces jeunes mytiliculteurs sont majoritairement issus du pays mais aussi de Charente et de Vendée : Félix Barbé, Hervé Hodbert, André Busson fils, Bernard Georges, Jean-Claude Montier, Claude  Hodbert, Jacques Garreaud, Edmé Pairaud et Robert  Faivre. Parmi eux, le vivarais Félix Barbé a eu un rôle non négligeable dans l’obtention des bouchots. Ce fils d'agriculteur de 25 ans, employé chez le charentais Serge Hurtaud, estime injuste que les jeunes ne puissent pas obtenir de concessions. En effet, depuis l'époque de Colbert, il faut cumuler certaines conditions pour y accéder : être majeur (21 ans à l’époque), être marié, avoir des enfants, être inscrit maritime... Bref, c'est difficile. Il monte alors à Paris au secrétariat d'Etat de la Marine marchande pour obtenir satisfaction avec le soutien d’Alexis Hodbert et d’André Busson. Ces derniers ont également fait appel une nouvelle fois aux hommes politiques locaux, influents au niveau national : Yvon Bourges (maire de Dinard et Secrétaire d'Etat) et Yves Esteve (sénateur-maire de Dol).(6)

En 1968, on  étend les concessions vers Saint-Benoît-des-Ondes. Nous atteignons à cette période 240 kilomètres de bouchots dans la Baie ! (7).

Nous atteignons à cette période 240 kms de bouchots dans la Baie !

Et revoilà le mytilicola !

 

Hélas, les mytiliculteurs vont devoir faire face à un problème de taille que les Charentais connaissent bien : le parasite Mytilicola intestinalis. Il vit dans le tube digestif de la moule et peut en cas d'épidémie provoquer des dégâts considérables et donc des baisses de production.

En effet, dès le début,  quand les pionniers charentais amènent leur naissain, celui-ci est déjà infecté,  mais la maladie ne se développe pas trop en raison de la faible densité d'élevage dans la Baie. Pourtant, dans les années 60, les mytiliculteurs du Vivier constatent déjà une mortalité importante. Ainsi dès 1963, un rapport des laboratoires d'Auray affirme  que la plupart des moules du Vivier sont parasitées par le Mytilicola et propose quelques aménagements : ne pas augmenter inconsidérablement le nombre de pieux par ligne (on en trouve parfois plusieurs centaines) et réduire voire supprimer les clayonnages afin de favoriser la croissance des moules et la dispersion par les courants du stade larvaire du parasite . On s'inquiète donc  mais aucune décision d'envergure n'est prise tant que  la moule réussisse partiellement à combattre le parasite et tant que l'épidémie est épisodique : 1963 et 1966.

Cependant, au début des années 70,  le parasite  frappe les Vivarais de manière beaucoup plus virulente au point de faire chuter les tonnages !  En 1970, la mortalité est estimée à 80 % à l'ouest de la Baie et à 50 % à l'est ! En effet, l'exploitation des  nouvelles concessions dans toute la Baie et  la densification excessive de certaines lignes de bouchots avec des centaines de pieux,  ont entrainé une biomasse en élevage considérable. Cette situation a rompu l'équilibre entre les disponibilités nutritives de la mer et les besoins des moules qui sont alors sous alimentées, faibles et vulnérables aux parasites.

Ainsi, portés par un enthousiasme et un espoir de renouveau pour les communes de la Baie, on  reproduit au Vivier les mêmes erreurs que les Charentais chez eux : une densification excessive des élevages de moules sur un espace naturel fragile et réduit en surface. La pratique du clayonnage empêche aussi une bonne circulation des eaux.  Il faut donc agir sinon la mytiliculture vivaraise risque de disparaitre !

Les mytiliculteurs vont alors prendre des mesures adaptées à la situation avec les conseils avisés de l'ISTPM. Ainsi, le 9 janvier 1971, le syndicat mytilicole sous la présidence de Roger Salardaine, se réunit à la salle des fêtes du Vivier et délibère sur la situation inquiétante de la mytiliculture. A une grande majorité, le syndicat se prononce pour appliquer un plan de sauvetage qui prévoit de supprimer environ 35 kms de bouchots . Ce plan est approuvé par un arrêté du ministère le 11 juin 1971 :

- Les pieux sur chaque ligne de 100 m doivent être répartis sur un seul rang et non pas deux.

- Les 4 lignes les plus au large doivent comporter 180 pieux et les deux lignes les plus au sud 150.

- Le clayonnage est désormais interdit.

 

Mais ces mesures ne suffisent pas à enrayer la baisse de production sur les bouchots les plus proches du rivage (les lignes de terre) et ceux situés les plus à l'ouest de la Baie. Le syndicat mytilicole présidé désormais par Claude Salardaine trouve une autre solution : elle consiste alors  à transférer des pieux vers l'est de la Baie en face du Banc des Hermelles pour  y trouver un meilleur niveau d'eau et un potentiel nutritif plus conséquent.

Ainsi, à partir de 1975, les bouchots de terre  à l'ouest de la Baie vont être transférés vers les Hermelles dans un axe sud-ouest/nord-est (1) : de Saint-Benoît jusqu'à La Larronnière, la première ligne de bouchots disparait et on passe alors à 5 lignes. C'est tout bénéfique pour les mytiliculteurs concernés car la zone des Hermelles se révèle alors très productive !

A tel point qu'un nouveau transfert a lieu en 1980. On  implante dans la zone des Hermelles les bouchots de Saint-Benoît les plus à l'ouest ainsi que les pieux situés le long du Guyoult (2).

Puis en 1983 et 1984, on y crée trois nouvelles zones mais cette fois-ci, ce ne sont pas des transferts. (3) (4)

Hélas, en 1982, une grave crise de production sévit de nouveau. C'est encore le Mytilicola qui décime les moules. La production annuelle, qui avait atteint plus de 10 000 tonnes en 1981,  retombe à 8 000 tonnes en 1982 et 5 000 tonnes en 1983 !

Ainsi, le 20 juin 1983, un arrêté du ministère demande la réduction du nombre de pieux de 180 à 160 pour les 4 lignes les plus au large. Mais vu l'ampleur et la durée de ce sinistre, d'autres décisions doivent être prises de toute urgence pour changer la structure et l'implantation des bouchots.

Ainsi,  le 21 juin 1984, une assemblée générale extraordinaire du syndicat mytilicole, sous la présidence de Gérard Salardaine, vote un projet de restructuration des bouchots qui prévoit de réduire drastiquement le nombre de pieux. Ce projet est approuvé par un nouvel arrêté ministériel le 21 mai 1985 :

- Le nombre de pieux par ligne ne doit pas être supérieur à 110 de Saint-Benoît jusqu'à Cherrueix.

- Pour le secteur des Hermelles, on doit se limiter à 160 pieux pour les 4 lignes les plus au large et à 150 pour les 2 lignes de terre.

- La hauteur des pieux doit être comprise entre 2 m et 2 m 80 en fonction de la position des lignes  sur  l'estran.

 

Pour compenser la réduction du nombre des pieux, on crée deux lignes de bouchots supplémentaires au large : de Saint-Benoît jusqu'à Cherrueix (5). Ainsi on passe de 5 à 7 lignes entre Saint-Benoît et La Larronnière et on passe de 6 à 8 lignes entre La Larronnière et Cherrueix.

Une forêt de bouchots

 

Malgré parfois des réticences, les mytiliculteurs de la Baie ont donc su prendre des mesures sages et intelligentes afin de sauver la production des moules. A partir de 1985, les tonnages remontent à nouveau et on atteint rapidement les 10 000 tonnes !

La surface occupée par les bouchots  se stabilise alors  à 271 kms sur un espace beaucoup plus grand que dans les années 60.

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Les Hermelles
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